L’association COPELFI propose comme thème de la prochaine conférence en Israël une réflexion où les questions du passé, du présent, de l’avenir seront abordées de manière implicite ou explicite dans les différents registres (diagnostic, thérapeutique, institutionnel, etc.…) qui constituent le domaine de la psychiatrie infanto-juvénile, mais aussi dans la perspective anthropologique qui est au soubassement de toute réflexion épistémologique sur cette discipline. Pour peu que nous soyons attentifs à la façon qu’a le temps de s’annoncer dans nos pratiques et réflexions théoriques, nous nous apercevons aussitôt que cette idée nous semble familière, mais que le rapport que nous avons avec elle n’est pas univoque.
Dès lors que la question du temps apparaît tant dans nos réflexions les plus théoriques que dans notre clinique la plus quotidienne, les interrogations sont nombreuses… Par exemple, le temps du diagnostic et de l’indication sont-ils des temps différents, complémentaires, étrangers l’un à l’autre ? Ces temps « pour faire », ces temps qui « comptent » que nous ne pouvons négliger, sont-ils comparables ou différents du temps du patient, celui de son histoire ? Le temps de l’interprétation comportementale et le temps de l’interprétation psychanalytique peuvent-ils être pensés ensemble ? Le temps du soignant, fût-il par exemple psychanalyste, est-il celui du patient ? Et le temps “passé à ne rien faire“, considéré parfois comme “perdu“ par les parents, n’est-il pas générateur du développement du psychisme ? Le temps qui passe est-il consolateur des vicissitudes survenues à l’enfant ? Dans la psychanalyse ou la psychothérapie de l’enfant, le temps de l’analyse est aussi celui des vicissitudes…
Par ailleurs, le “psy“ ne saurait négliger de mettre en question à la fois son rôle et la finalité individuelle, sociale et anthropologique de son action par rapport au temps. Est-il un “passeur de temps“ ? Question qui n’est pas sans relation avec son rôle dans l’affermissement du sentiment d’ “identité“ de son patient. En effet, en particulier chez l’enfant et l’adolescent, ne doit-il pas tenir à la fois compte de la transmission familiale et de la liberté et de l’originalité de celui-ci ? Et toute culture, essentielle pour la construction du psychisme enfantin, se fonde bien évidemment sur la transmission à partir des générations antérieures.
Voici donc quelques pistes proposées aux participants à la XIVème conférence de Copelfi en Israël pour communiquer leur expérience, leurs interrogations et réflexions. Il en est sans aucun doute d’autres, qui se dégageront au cours de la conférence
Echo de la XIVème Conférence de COPELFI
Par Catherine Stef
Le 04/11/2016
Les XIVèmes Journées de COPELFI se sont déroulées du 26 octobre au 2 novembre 2016, comme un extraordinaire voyage dans les temps et les espaces inouïs d’Israël, ce pays qui offre un véritable work in progress permanent dans tous les domaines.
7 jours qui ont permis de dérouler un état des lieux, qui est aussi état des liens, dans une perspective à la fois clinique, éthique, politique, lecture sans cesse réactualisée de notre présent insaisissable à la lumière d’un passé effervescent, pour reprendre le terme de Shmuel Trigano, d’un passé originel, tel qu’il donne forme au futur dans un effort de transmission perpétuel.
Vaste gageure, mise en acte au moyen de conférences, d’exposés, de conversations, de débats, articulés aux visites qui nous ont fait passer de la vieille ville de Jérusalem au désert du Negev, en passant par la trépidante Tel-Aviv-Jaffo, au Musée Ytzak Rabin et à la maison du désert de Ben Gourion, aux anciennes mines de cuivre du Roi Salomon….. en un survol étourdissant de cette histoire en marche.
Etourdissant et d’une grande intensité, à l’instar de la clinique de l’enfant et de l’adolescent, qui était le thème de la rencontre, soit le thème de « l’être humain en devenir », jamais fixé toujours traumatisé, toujours à advenir : être humain considéré comme corps parlant, jouissant, désirant, demandant, aimant, sans toujours le savoir, affecté par l’angoisse, mais auquel la psychanalyse propose un « tu peux savoir ».
Je retiendrai pour ma part la rencontre avec l’association ELEM, qui a eu lieu le dernier jour, le 1er novembre, dans les locaux de l’Institution à BNEÏ BRAK. La réunion clinique était organisée par Caroline Nissan et son équipe, et portait sur le «Traitement de l’Adolescent sur Internet ».
Psychologue clinicienne d’orientation psychanalytique, Caroline Nissan travaille à la fois en libéral où elle reçoit adolescents et adultes et dans une institution pour adolescents qui s’appelle Elem.
Elem est la plus grande organisation en Israël qui soutienne les jeunes en difficulté, avec des projets couvrant tout le pays. Le projet pour lequel elle travaille est une plateforme internet qui s’appelle
« Y Elem » et qui existe depuis 12 ans. Caroline Nissan nous a présenté les principes de fonctionnement de l’équipe et du site, puis une intervenante de l’équipe a présenté un exemple clinique.
Très innovant, ce dispositif offre un cadre soigneusement défini, délimité, avec une formation qui est à la fois préalable et permanente, par les supervision individuelle et supervision d’équipe qui y sont proposées. Les rencontres avec les adolescents y sont anonymes et se font uniquement au moyen d’un « tchat », auquel on accède sur un site particulier protégé, où l’adolescent a la possibilité de s’entretenir par écrit exclusivement, avec un intervenant spécifique, pour une durée fixée, avec la possibilité d’inscrire les entretiens dans une durée. Pas de thérapie, encore moins de psychanalyse, mais une écoute attentive et encadrée, qui est donc en fait une lecture puisqu’il s’agit d’écrit, qui va à la rencontre de la souffrance et de la précarité, de l’isolement , au moyen d’une technologie qui est devenue en quelques années quasi universelle, et qui selon les intervenants d’ELEM, a pour effet de désinhiber la parole, et parfois de simplement raccrocher un jeune à la vie.
COPELFI se tourne déjà vers les prochaines journées, qui se tiendront en 2018, année particulière, puisque seront célébrés les 70 ans de la création de l’Etat d’Israël.
Quel que soit le thème retenu, gageons que nous serons nombreux à inscrire notre désir de contribuer à ces prochaines rencontres.