L’avenir d’une désillusion | Bernard Bensidoun
« J’ai travaillé de nombreuses années comme directeur et psychiatre dans un institut de rééducation pour enfants et adolescents en internat. Ce choix pour un psychanalyste a correspondu à une position éthique, celle de ne pas se désintéresser du monde qui nous entoure et de faire bénéficier les plus démunis d’une pensée qui me paraît essentielle pour la vie. Ce choix questionne mon identité de psychanalyste pour en garder sa force subversive et son inquiétante étrangeté vivante me posant souvent la question d’être psychanalytiquement non psychanalyste. »
R. Puyuelo, L’enfant du jour, l’enfant de la nuit
Dans son texte L’avenir d’une illusion, s. Freud écrivait : « Non, notre science n’est pas une illusion. Mais ce serait une illusion de croire que nous pourrions recevoir d’ailleurs ce qu’elle ne peut nous donner 2. » Paraphrasant le titre du texte de Freud, celui de cet article vise à s’interroger sur le devenir de la psychanalyse et des psychanalystes dans les institutions d’enfants en 2013.
Remarquons également que le monde de l’illusion est aussi celui des problématiques narcissiques au centre du travail accompli dans beaucoup d’institutions pour enfants et adolescents. Écrire sur ce sujet ne fut pas une tâche simple, car elle m’imposait de retrouver un bout de mon histoire de soignant, pour penser cette question.
Après les grandes espérances des années 1970, représentées par l’introduction de la psychanalyse dans le soin auprès des enfants en institution, il faut faire le constat de la difficulté actuelle. Dans ce texte de Freud, celui-ci se pose la question des croyances en général ; il nous semble qu’il sera encore, d’une certaine manière, question de croyance. en effet, les années 1970 furent le temps d’une croyance, celle de la causalité psychique, celle qui voyait un déterminisme psychique, inconscient, à certaines maladies mentales. Les années 2013 semblent celles de la désillusion, elles paraissent effacer la causalité psychique, et la pratique de la psychanalyse. Cette désillusion a-t-elle un avenir, quelle place revient aux psychanalystes en institution d’enfants ? Peut-on « croire » encore à la causalité psychique ? Ni trop ni trop peu, sans doute.